La colonisation sous un autre angle.

 

La colonisation du Golfe du Bénin.

février 1973

La Naissance du Togo…

Les origines du Togo remontent au 19ème siècle. Les premières traces de la présence humaine au Togo remontent à plusieurs milliers d'années. Les populations autochtones, notamment les Ewes, les Tems, les Kabyés et les Gourmantchés, ont établi des communautés agricoles et développé des systèmes politiques locaux.
La région était divisée en d'innombrables petits royaumes, qui étaient en fait des villages dont le chef portait le titre de roi. Ils possédaient des esclaves et en faisaient le commerce avec les Arabes, puis, plus tard, avec les européens. A Ouidah, on peut encore voir le fortin, armé de canons, du plus grand marchand d'esclaves, le Brésilien Francisco Félix da Souza (Salvatore, Brésil 1754 - Ouidah, Bénin 1849). Sa richesse se voyait au nombre de ses femmes (il en avait 80). Celles-ci lui donnèrent une très nombreuse descendance qui, actuellement, sont de fiers togolais, C'est d'ailleurs l'un de ses petits-fils, conservateur du Musée, qui a dessiné le drapeau du Togo et qui m'a raconté comment était né son pays. Femmes de Kpogan
L'histoire du Togo est très liée à celle d'un village qui s'appelle Anécho; par simplification de ANE-WO-BE-H0, la maison des Anes ( les Anes est la race qui devint les Minas).
Le premier roi d'Anécho fût QUAM-DESSOU de la famille ADJIGO. Les rois se succèdaient selon la coutume d'oncle à neveu et non de père en fils. Il y eut AHIONKO, SEKPON, COMLAGAN et sous le régne de ce dernier le Capitaine Law de la marine anglaise emmena, en Angleterre, comme boy, un Noir nommé ZANKLI qui n’était pas de la région. Lorsque celui-ci revint, il s'établit à Anécho et changea son nom contre celui de Lawson (fils de Law).
Lawson plus instruit que ne l'était généralement les gens du pays, cherchait à obtenir la considération de ceux-ci aux dépens du roi Comlagan. Ce dernier, peu aimé par ses sujets ainsi que par les membres de sa famille fût un jour destitué et, son neveu, Assrivi monta sur le trône. Apprenant la fuite de Comlagan, Lawson crut le moment arrivé et se proclama roi d'Anécho. Pendant de longues années la lutte entre les Adjigo, membres de la famille royale, et les Lawson n'eut qu'un caractère local extrêment réduit, avec des hauts et des bas de chaque côté. Ce n'est que lors de la prise de possession du pays par les Blancs, que la lutte s’accentua et prit une allure de guerre civile selon que l'administration prenait parti pour l'un ou pour l'autre.

 

L’occupation allemande.

En 1870, les Adjigo demandaient l'aide des Français, mais ceux-ci refusèrent. Un peu plus tard, les Lawson demandaient l'appui des Anglais qui plantèrent leur drapeau à Anécho.
Le 3 février 1884, plusieurs rois de la région, sauf Lawson, signèrent un Traité de Protectorat avec les Allemands. Anécho devient la capital du pays. Celui-ci n'est cependant pas entièrement sous la protection allemande. Certains rois ont signé des traités soit avec les Français, soit avec les Anglais. Aussi, la région était parsemée de drapeaux des trois pays et, parfois, très proches les uns des autres.
A Berlin, en 1887, Allemands, Anglais et Français réussissent à s'entendre. Les frontières sont établies d'après les possessions de la côte et montent verticalement en direction du Nord. Les drapeaux étrangers à l'intérieur de ces territoires sont enlevés. Sébé devient la capitale du Togo jusqu'en 1897, puis les gouverneurs allemands s'établiront à Lomé. De 1884 à 1914, les Allemands jouissent d'une grande popularité auprès des autochtones. En trente ans, ils ont ouvert des écoles, construit des routes, ainsi que 330 km. de chemin de fer (les Français en feront 107 km. en quarante ans). Lorsque la guerre éclate en 1914, le gouverneur demande à ses voisins, les Anglais à la Gold Coast et les Français du Dahomey, la possibilité de rester neutre ; il était très faible militairement.
Ceux-ci ne l'entendirent pas de cette oreille, car au Nord-Ouest du Togo, les Allemands possèdaient un émetteur TSF très puissant dont la portée allait jusqu'à Berlin. Les Alliés avaient peur que cet émetteur serve à renseigner l'Allemagne sur la position des navires Anglo-français. Après quelques jours de combat, l'émetteur est pris et les Allemands quittèrent le pays. Le togo fut divisé en deux, la partie Ouest revint aux Anglais et l'Est aux Français.

 

L'occupation française.

Un alsacien, M. Woefel, fut nommé gouverneur du Togo français. Le fait qu'il parle l'allemand et qu'il reconnut un membre de la famille Agjigo, Amouzou Bruce, comme roi d'Anécho le rendit très populaire. Anécho redevient la capitale et en 1915 s'ouvre la première école française où l'on enseignera aux indigènes, et ceci jusqu'à l'indépendance, que "leurs ancêtres étaient les Gaulois aux yeux bleus et aux cheveux blonds" et on exigera pour la réussite d'un examen qu'ils sachent que le Rhin prend sa source dans le massif du St-Gothard, tant pis s'ils ne savent pas si le Niger prend sa source dans le Foute Djallon ou le Kilimandjaro.
Les écoles allemandes subsisteront jusqu'en 1917 et, à la fermenture de celles-ci, bien des Togolais, qui espéraient le retour des Allemands, refuseront d'aller aprendre le français.
De leur côté, les Lawson, qui n'aiment pas M. Woefel, écrivèrent plusieurs lettres de plaintes au gouvernement français, argumentant notamment, que leur famille a toujours été francophile puisqu'ils n'ont jamais signé de traités avec l'Allemagne.
Le 8 mars 1922, M. Woefel est révoqué et remplacé par un Corse M. Bonnecarrere qui s'empresse de nommé Body Lawson chef d’Anécho. Dès ce jour, les Adjigo, décus par la politique des Français, se montreront de farouches nationalistes et lutteront pour obtenir l'indépendance. Les Français commettront une autre erreur grave qui aura pour conséquence d'empécher la réunion du Togo. Lors du partage du pays en 1914, les Ewés, une éthnie du sud-ouest, ont été coupé en deux et demandent à être réunis; ils ne comprennent pas qu'un peuple parlant la même langue soit séparé par une frontière. En 1956, les Anglais donnent le choix aux Togolais de la Gold Coast : soit de se rattacher au Togo français, soit de rester Anglais et de devenir indépendant un an après.
Les Ewés demandent à la France quand elle pense donner l'indépendance au Togo. La réponse est : jamais. Le Togo reste donc séparé et, un an après, la Gold Coast est indépendante sous le nom de Ghana.

 

Les chemins de l'indépendance.

Sentant la révolte gronder après une telle réponse, les Français donnent un régime autonome interne au Togo le 30 août 1956. Cela ne plait qu'à moitier aux nationalistes, car dans le coin supérieur gauche du drapeau les couleurs françaises subsistent.
Pendant quatre ans, les nationalistes, ayant à leur tête M. Silvano Olympio, lutteront pour l'indépendance.
Le 27 avril 1960, la République du Togo est proclamée et Silvano Olympio est nommé Président. L'un des plus grands adversaires de l'indépendance, M. Grunitsky (de père polonais et de mère togolaise), s'exile au Dahomey.
Le Togo est admis à l'0.N.U. le 20 septembre 1961. La vie de la Nation s’écoule paisiblement et les richesses naturelles lui promettent un avenir prospère. Malheureusement, la soif du pouvoir monte à la tête de certains.

 

Des affinités avec la Chine de Mao.

Le 13 janvier 1963, l'armée togolaise renverse le gouvernement (ce premier "putch" africain sera suivi par 24 autres dans 16 pays nouvellement indépendants), Olympio est assassiné et les militaires, dont le jeune sergent Etienne Gnassingbé Eyadéma, font appel à Grunitsky pour prendre la présidence.
Pendant quatre ans le gouvernement subira les pressions de l'armée et particulièrement de Eyadéma qui est devenu Lieutenant-Colonel. Le 13 janvier 1967, Eyadéma chasse Grunitsky et s'attribue le titre de Président et le grade de Général. Ses 36 ans en font de lui le plus jeune président de république du Monde. En 1969, il fonde l'unique parti politique du pays, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), aucun parti d'opposition n’est toléré. Le peuple subit les idéologies de son chef sans pouvoir dire ce qu'il pense. Ce n'est cependant pas un gouvernement dictatorial, mais plutôt un endoctrinement basé sur les préceptes de Mao. D'ailleurs, les Chinois ne leur fournissent pas seulement une idéologie, mais une aide concrète tel que un don de machines agricoles, en 1970, pour plus de 100 millions CFA (CHF 1'350 millions).
La presse, nationalisée, relate quotidiennement les faits et gestes du Général et lui crée une popularité par des articles élogieux qui commence toujours par : « notre Guide éclairé…, notre Timonier national..., le rassembleur des foules…, l'apôtre de la Paix, de l'Union et de la réconciliation nationale…, le Père du Togo nouveau..., etc ». De plus, les photos nous montrent que, quand il n'est pas en uniforme, le chef d’Etat porte volontier le "boubou" traditionel ; signe évident d’un attachement profond au peuple africain.
Le 24 janvier 1974, Eyadéma sort indemne d'un accident d’avion, à Sarakawa, qui devait coûter la vie à quatre de ses collaborateurs. Convaincu qu'il s'agit d'un attentat, il se réfugie à la caserne ; le seul endroit où il se sent en sécurité.
Ce fait n'est pas relevé comme une lâcheté, mais comme un exemple pour montrer aux soldats que même les officiers doivent vivre avec la troupe. Ses partisans en ont fait un héros, un messie que Dieu a choisi pour conduire dans sa crainte le peuple togolais (sic).
Le 12 février s'est réunie l'Union Nationale des Chefs Traditionnels en session extraordinaire dans la Maison du RPT. Ils ont dicté plusieurs résolutions, dont voici les principales :

  1. Ayant appris avec stupeur et consternation l'ignoble complot déguisé en catastrophe aérienne de Sarakawa,
  2. Considérant que la disparition brutale du Chef de l’Etat, artisan de l'Unité Nationale, causerait dans notre pays des troubles aux conséquences incalculables,
  3. Recommande que la Nation :
    1. Considère le lieu et la date de la catastrophe comme lieu de pélerinage et journée de méditation.
    2. Construise un monument sur les lieux, à la gloire et à la victoire du Général Eyadéma sur les impérialistes et en mémoire de nos Chers Compatriotes morts pour la Patrie.
Immédiatement après cet accident-attentat (?), Eyadéma annonce la nouvelle tant attendue de la nationalisation de la compagnie togolaise des mines du Bénin, le peuple dans son immense majorété tombe d'extase (...) (Togo-Presse 13 fév.74).
Sagit-il d'un acte de vengeance ou une décision longuement étudiée?
Les Mines du Bénin appartenait, en majorité, à une Compagnie française et 1% pour le gouvernement togolais.
Serait-ce ce faible pourcentage de participation qui a provoqué cette décision ?
Ou, comme m'ont laissé entendre certains, que des éléments français seraient à la base de l'attentat ?
La deuxième supposition a peut-être rendu décisif cette résolution de mettre au pas les entreprises qui refuseraient de ce plier aux exigences gouvernementales.
Pour faire une comparaison avec les compagnies allemandes, les bières du Bénin sont réparties de la manière suivante : 25% à l'Etat togolais et 75% entre trois Brasseries munichoises et hambourgeoises et quelques particuliers.

 

Le peuple face au gouvernement.

Que pense la population dun tel gouvernement ? Peu de choses. Car dans les villages le taux d'analphabétisme est encore très important, aussi le manque d'instruction ne leur permet pas d'analyser les problèmes complèxes de la politique. Par contre, les privilégiés qui sont allés à l'école et qui fréquentent actuellement l'Université (inaugurée le 29 novembre 1973) regrettent leur vrai chef, Silvano Olympio, et déplorent le manque d'autodétermination que subit le peuple.
En 2005, à la suite du décès de Gnassingbé Eyadema et profitant de l’absence au pays du président de l’Assemblée nationale qui, selon l’article 65 de la Constitution, doit assurer l’intérim de la présidence, l’armée togolaise prend la décision de confier le pouvoir au fils de Gnassingbé Eyadema, Faure Gnassingbé.
Et la vie des togolais continuent sans espoir de trouver, un jour, une véritable démocratie.

 

Fiche Technique du Togo.

Le Togo est limité à l'Ouest par le Ghana, au Nord par la Burkina Faso, à l'Est par le Bénin et au Sud par l’Océan Atlantique. Il se présente comme un long corridor de 600 km dont la largeur varie entre 50 et 150 km.
Sur une diagonale Nord-Est/Sud-Ouest le Togo est coupé en deux par le massif de l'Atakora ce qui lui donne deux climats : au Nord le climat tropical ( 6 mois de pluie, 6 mois de sec) et au Sud le climat équatorial ( 4 mois de pluie, 4 mois de sec, 2 mois de pluie et 2 mois de sec).
La superficie est de 56 600 km2 pour une population de 9’100’000 h., dont le 51% sont des femmes, la densité moyenne est de 152 habitants au km2.
La Nation togolaise est composée d'environ 27 ethnies répartis en deux grands groupes : au Nord les Moba-Gurmas et les Kabiyès, au Sud les Ewés, les Minas et les Ouatchis, le reste est composé de Peulhs, d'Haoussas et d’environ 2’000 européens.
La majorité sont animistes (fétichistes) 32.9%, catholiques 26.8%, musulmans 18.5% et protestants 15.6%, autres 6.2%.
Les villes pricipales sont: Lomé (cap.) 2’188’376 h., Sokodé 115'442 h., Kara 158’090 h., Palimé 87’478 h., Atakpamé 98’193 h. et Anécho 28’238 h.
Les cultures vivrières sont le manioc, le mais, l’igname, le riz et le mil. Les cultures industrielles sont le Cacao, le café, les arachides décortiquées et la palme. Cacao, coton, café et arachides constituent le 50% des exportations togolaises. Le cheptel est composé de 169’000 bovins, 617’000 ovins, 548’000 caprins et 224’000 porcins.
Le sous-sol est riche en phosphate (45% du total des exportations), ainsi que du fer, calcaire, dolomie, bauxite et les premiers résultats des recherches pétrolières sont extrêmement encourageants.

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