Le Togo
Mon séjour au Togo.
février 1973
L'arrivée...
Dans un hurlement de réacteurs et quelques secousses, le Boing 707 de vient de toucher le sol de l'aéropott de Tokoin. La voix du commandant nous parvient par les haut-parleurs : - Veuillez ne pas quitter vos sièges avant l'arrêt complet des réacteurs. Il est 23 heures (24 h. Suisse), la température est de 27 degrés.
27 degrés... heureux de n'être pas arrivé la journée. les portes de l'avion s"ouvre et brusquement une bouffée de chaleur l'envahit. On se regarde pour contrôler que ce que l'on éprouve n'est pas un effet personnel. Non, dans un bel ensemble tous les passagers ont sortis leur mouchoir et s'épongent le front et la nuque. J'essaie de respirer, comme je l'ai toujours fait depuis ma naissance, mais j'ai la nette impression d'exécuter une séance d'inhalation, l'odeur d'eucalyptus en moins. Ce n'est pas que la chaleur qui nous éprouve, mais le taux élevé d'humidité. Cette humidité qui me colle ma chemise à la peau, qui me fait regretter le veston et la cravatte que je porte. Cette humidité qui me jouera des tours en embuant les objectifs de mon matériel photographique.
Je suis surpris en descendant les marches de l'escalier par la végétation qui m'entoure. I'herbe est verte, je me l'imaginait brulée par le soleil, il y a beaucoup de fleurs dont j'ignore les noms et, ce qui va sans dire, des palmiers.
Nous arrivons dans le hall de l'aéroport, plus intime que ceux de Cointrin ou de Kloten. Nous cotoyons les touristes qui rentrent au pays. Leurs vêtements d'été et leur bronzage nous font pâlir... d'envie ; ceci n'étant qu'ume image puisque nous devenons de plus en plus rouge d'étouffement. Car près de trois cents personnes, dans un hall non-climatisé, ont fait monter les 27 degrés initiaux à 37 sans exagération.
Le temps passe lentement. Il y a un seul guichet pour les contrôles douaniers. Plus que trois ou quatre personnes devant moi, j'observe le douanier. Il computse le carnet de vaccination avec une lenteur et une nonchalance qui ne lui feront pas attraper un infarctus. Puis c'est au tour du passeport de subir un minutieux examen. Il se décide, enfin, d'aposer un tampon sur l'une des pages et, ponctuant par un geste de la main, il lance un "Allons ! Avancer ! Avancer !" avec autorité.
Me voilà au Togo. Je laisse à l'un des innombrables porteurs, le soin de récupérer mes bagages.
Lomé...
J'emploie les premières journées de mon séjour à la visite de Lomé, la capitale. Mon hôtel se trouvant à 12 km. de celle-ci, je monte dans un des nombreux taxis - la majorité sont des 2 CV et des 4L - qui stationnent devant l'entrée. A l'intérieur, sur le tableau de bord, il est spécifié: vitesse maximum 60km./h. Cependant, la civilisation (bienfaitrice !) ne leur ayant pas encore fait connaître les radars, le trajet se déroule à la vitesse maximum que peut atteindre ce véhicule branlant et rouillé, soit une bonne centaine de km/h. J'écrase une pédale de frein imaginaire à chaque fois qu'une vache ow une chèvre traverse la route devant nous. Mon virtuose de chauffeur ne ralenti pas pour autant, il se contente de donner un coup de volant à gauche ou à droite, ponctué par un puissant coup de klaxon. Pour eux, le klaxon - qu'ils appelent le coin - est un instrument indispensable à la conduite d'une voiture. Ils klaxonnent quand ils passent un carrefour au rouge, parfois aussi quand le feu est au vert, ils klaxonnent aussi pour saluer un ami ou pour racoller un client ; enfin, en moyenne, tous les cents mètres un coup pour garder l'habitude. J'ai rendez-vous avec un historien à la rue Kuassi Bruce. A l'entrée de la ville, je donne l'adresse au chauffeur.
- C'est où ? me demande-t-il.
- Du côté du marché aux fétiches, je crois.
Dans une rue, un contrôle de police. L'agent nous arrête et lui fait tiré le frein à main et essaie de pousser la voiture. Elle ne bouge pas, le frein est bon. Contrôle du "coin", ça fonctionne. Roulez !
Je dis au taximan d'attendre et je demande à l'agent où se trouve la rue Kuassi Bruce. Il réflèchit, puis me répond sans honte: "Je ne sais pas, allez voir au commissariat du 3ème arrondissement au bout de la rue".
Départ... Au commissariat personne ne sait. Redépart... Mon chauffeur se laisse guider docilement, je lui fait éssayer plusieurs rues. Après une heure de recherche nous arrivons devant un autre commissariat, celui du 1er arrondissement. J'en ai marre de risquer ma vie à chaque carrefour, aussi je décide de continuer à pied. N'étant pas équipé de compteur, le tarif de la course est fixé selon l'entente entre le client et le chauffeur. Le mien m'indique que habituellement la prix pour le trajet hôtel - Lomé est de 500.- CFA (CHF 6.70 à l'époque), mais que, en plus, nous avons tourné une heure dans la capitale il laisse le soin à ma générosité d'apprécier la valeur de son temps. Je lui gratifie d'un deuxième billet de 500.-
Me voilà à pied, mais toujours pas à destination. J'entre dans le commissariat, qui n'est qu'une salle avec un bureau et deux cages grillagées. Dans l'une d'elle se trouve un quelconque délinquant et derrière le bureau, un jeune gradé est plongé dans la lecture d'une célèbre bande-dessinée. J'ai de la chance, il connaît la rue et m'explique où elle se trouve. J'y arrive finalement avec une heure de retard. Mais le Togo ne vit pas avec un chrono helvétique, mon retard n'entacha en rien notre entretien (voir le reportage sur la création du Togo) .
Ce qu'il ne faut pas manquer de visiter à Lomé, ce sont ses marchés. Le plus grand est couvert et se situe, précisément, à la rue du Grand-Marché. Sur les bords de la rue de multitudes stands vendent des marchandises hétéroclites, des enfants dorment, mangent sur le dos de leur mère. La foule aux habits très colorés déambule au travers de cette rue. Au rez-de-chaussé, de l'immense bâtiment, il y a la viande, le poisson et les légumes. Au premier, les produits de ménage et au deuxième, les tissus et autres divers.
Un autre marché à ne pas manquer, celui de Bé. C'est le marché aux fétiches. La majorité de la population est animiste donc ce marché est le principal point d'achat pour leur amulettes et autres colifichets.
Hôtel Tropicana...
Notre hôtel, situé en bord de mer, est constitué du bâtiment principal (reception et restaurant d'intérieur), plusieurs bungalows, un restaurant près de la piscine avec un espace permettant la production de spectacles musicaux et danse locale. La plage est divisée en deux, par une barrière de bambou, un côté "textil" et l'autre naturiste. L'avantage du secteur nudiste c'est un gardien, munis d'un fouet, qui surveille vos affaires quand vous nagez. En effet, la plage est traversée par des indigènes allant ou venant d'Avépozo. Vos affaires abandonnés le temps de votre baignade pourrait être tentant pour ces villageois.
Pour vous donner une idée du seuil de pauvreté mon budget journalier était de 5'000.- CFA (CHF 67.- en 1973) le gars qui me servait ma bière (100.- CFA) au bord de la piscine gagnait 1'000.- CFA par mois. Le gardien de la plage m'avoua gagner 1'500.- CFA, salaire plus élevé en raison de la responsabilité (et ne pas être trop tenté de voler ses clients).
Évidemment que tous ces touristes fortunés attiraient les filles aux mœurs légères. Hors le personnel de l'hôtel, les indigènes étaient interdits dans la zone du complexe sauf... si la personne était votre invitée. J'ai compris cela lorsqu'un soir on buvait un verre et une fille est arrivée en courant, s'asseyant à côté de moi et me dit : "S'il te plait, paye-moi un coca!" Je n'ai pas eu le temps de répondre que la fille, voyant le regard de mon épouse, a couru vers une autre table. La pauvre voulait juste ne pas être éjectée du restaurant, notre preésence lui servant de blanc-seing, afin de trouver un homme seul.
Quand une de ces demoiselles rencontraient un homme esseulé, elle pouvait rester le temps que lui le voulait; une aubaine, elle avait le gîte et le couvert. Toutefois, il devait la déclarer à la reception et payer une modique taxe journalière. Malheureusement, il arrivait qu'elles tombent sur un salopard voulant économiser sur cette taxe. J'ai assisté, un matin, à la bastonnade d'une pauvre fille qui n'avait pas été déclarée. A la sortie du bungalow, les gardes lui sont tombés dessus, elle courut, en hurlant, et ne pu éviter coups de fouet et bâtons, elle perdit ses hauts-talons et son pagne, c'est entièrement nue qu'elle quitta l'enceinte du resort; les gardes abandonnant la poursuite.
Ce ne fut pas la seule tragédie à laquelle jai assisté. On sait que les noires ont la danse dans le sang, aussi les soirs de concert de musique africaine les habitantes du village voisin étaient attirée par le rythme des tam-tams et là ce n'était pas des prostituées, elles venaient avec leur enfant sur leur dos. On les distinguait s'approchant dans la pénombre entourant le complexe, puis quand ces silhouettes prenaient une apparence humaine les gardes fonçaient sur elles et leur long fouet claquait sur le dos des femmes, c'est-à-dire sur leur enfant qu'elles avaient derrière elles. La scène m'est restée gravée dans ma mémoire car une fois un touriste zurichois a eu le réflexe de prendre une photo, l'éclair de son flash illumina, comme en plein jour, la débendade des ces femmes et les fouets qui claquaient sur elle. Un instant plus tard le directeur du Tropicana est venu parler avec l'auteur de la photo. Je ne sais pas ce qu'il s'est dit, mais j'imagine qu'il a dû lui demander de ne pas diffuser cette image.
Avépozo...
Près de notre hôtel, au village d'Avépozo, comme dans les autres villages du bord de mer, les pêcheurs partent tous les matins sur une grande pirogue. ils ont préalablement attaché un filin à un cocotier. Ils s'éloignent du rivage en ramant ; le départ contre les vagues n'est pas une sinécure. A bonne distance ils jettent les filets, puis font un arc de cercle et reviennent vers la plage en croisant leur route de l'aller. Arrivé sur le sable, ils tirent les cordes et ramènent les filets remplis de poissons. Les femmes sont là (toujours leurs enfants sur le dos) pour acheter une quantité de poissons (?) pour 600.- CFA. Elles le mettront sécher, fumé et vendu 1'000.- CFA au marché.
Le travail des femmes au village : elles vont au puit chercher l'eau, (point de rencontre pour papoter, rigoler ou s'engueuler), préparent les repas, s'occupent des enfants.
Balade au Bénin.
Pendant notre séjour, nous nous sommes inscrits pour une excursion au Bénin, plus précisément à Ganvié. En 73, Ganvié était titré comme le plus grand village au monde (env. 10'000 hab.) sur pilotis. Le voyage en car risqua de se terminer à la frontère togolaise - béninoise. On nous avait prévenu de cacher nos caméras ou appareils de photos sous les sièges, car le bénin avait la psychose de l'espionnage. Notre guide ramassa tous les passeports des passagers et les apporta au bureau de la douane. Au bout d'une bonne 1/2 heure, elle revint accompagné d'un policier et d'un passeport. Ils découvrirent à qui était ce document et firent sortir le quidam. Une demi-heure plus tard, la guide et le passager étaient de retour et le bus redémarra. Pourquoi ce contre-temps ? Notre passager avait sur son visa mis "agent de police" sous la rubrique profession. Les béninois voyait en lui un espion suisse, il a fallu discuter avec beaucoup de diplomatie pour expliquer que ce pauvre agent faisait la circulation en ville de Zürich, parfois il verbalisait un contrevenant, mais n'appartenait pas à un bureau de renseignement.
Arrivés au bord du lac Nokoué, nous avons quitter le bus pour nous repartir dans des pirogues. A coups de pagaye, donné par le propriétaire du bateau, le village grossissait dans notre champ de vision et nous pouvions voir l'enchevêtrement de branches d'arbre, de planches de tous genres qui maintenaient, miraculeusement, ces cabanes hors de l'eau.
Nous sommes montés sur un de ces planchers. Il y avait un petit comptoir où ils vendaient du coca. En 1973, il y avait très peu de touristes qui venaient au village et notre guide, qui était venu déjà plusieurs fois, s'amusait avec les gamins, qui venaient demander de l'argent, à leur demander si telle personne était un homme ou une femme. Peu de bonne réponse, parfois au hasard, car à cette époque beaucoup d'homme avaient les cheveux longs et les femmes européennes n'étant pas à torse nu et en jeans pouvaient passer pour des mecs.